Enki Bilal, le dessinateur de BD fantastiques…
Enki Bilal est un de mes scénaristes/dessinateurs préférés, il possède un style (que dis-je ! un coup de crayon) bien à lui, et il crée des scénarios, à couper le souffle…
Encore une oeuvre découverte dans la bibliothèque de mon père à l’adolescence (ya que du bon dans les BDs de mon padré !), je suis tombé sur « La foire aux immortels« , premier tome de la trilogie Nikopol, en gros le MUST de Bilal (encore que tous ses albums sont des musts).
Déjà le titre… Bon, bas ça envoie du lourd, avec une couverture complètement trash représentant un cosmonaute assez amoché dans les bras d’un être mi-homme, mi-faucon…
Petit topo sur l’artiste :
Bilal est d’origine Yougoslave, il arrive en France à l’age de 9 ans et apprend rapidement le français. A 20 ans, il commence à dessiner pour le magazine Pilote, à l’époque il réalise des caricatures et illustrations d’hommes d’Etats. Après un rapide passage aux beaux arts, il publie sa première histoire (le bol maudit) et possède déjà ce coup de crayon identifiable au premier coup d’oeil.
En travaillant à Pilote, Il rencontre Pierre Christin (Valérian) et par la suite, les 2 auteurs publient 3 oeuvres en commun. Tout au long de sa carrière, Enki Bilal va travailler sur de nombreux projets avec Christin. Ses dessins sont inspirés en grande partie de son enfance passée en Yougoslavie.
Les créations (dessins et scénarios) d’Enki Bilal ont un style assez sombre et envoûtant, les décors sont même souvent glauques et délabrés, mis en valeur par des couleurs tantôt sombres tantôt criardes, notamment lors des scènes violentes. Bilal a l’art de mettre le sang en valeur…
C’est simple lorsque vous dévorez une oeuvre de Bilal / Christin, on pourrait presque sentir l’atmosphère sortir des planches de l’album, l’odeur du sang, de la crasse, les sons… C’est fantastique, il est quasiment impossible de refermer l’album avant de l’avoir terminé.
En 1979, sort Les Phalanges de l’Ordre Noir, toujours en collaboration avec Christin, qui connaît un énorme succès et se place au 11ème rang des 20 meilleurs livres de l’année 1979, une BD faisant partie des 20 meilleurs oeuvres littéraires de l’année !!! hallucinant !
Par la suite Bilal entame la trilogie Nikopol seul cette fois-ci, mais toujours en travaillant en parallèle sur d’autres projets avec Christin et également avec d’autres collaborateurs (Dionnet, Cauvin…). Il réalise des expos, quelques films (dont Immortel, une adaptation de la trilogie Nikopol), des illustrations…
Ses oeuvres par ordre chronologique
Bandes Dessinées
- L’Appel des étoiles (scénario et dessin), 1975.
- Légendes d’aujourd’hui (dessin), avec Pierre Christin (scénario) :
- La Croisière des oubliés, coll. « Histoires fantastiques », 1975.
- Le Vaisseau de pierre, coll. « Histoires fantastiques », 1976.
- La Ville qui n’existait pas, coll. « Histoires fantastiques », 1977.
- Fins de siècle (dessin), avec Pierre Christin (scénario) :
- Les Phalanges de l’Ordre noir, coll. « Légendes d’aujourd’hui », 1979.
- Partie de chasse, coll. « Légendes d’aujourd’hui », 1983.
- Mémoires d’outre-espace (scénario et dessin), coll. « Pilote », 1978.
- Exterminateur 17 (dessin), avec Jean-Pierre Dionnet (scénario), 1979.
- La Trilogie Nikopol (scénario et dessin) :
- La Foire aux immortels, 1980.
- La Femme piège, 1986.
- Froid Équateur, 1992.
- Le Bol maudit (scénario et dessin), coll. « Hic et Nunc », 1982.
- Crux Universalis (scénario et dessin), 1982.
- Los Angeles – L’Étoile oubliée de Laurie Bloom (dessin), avec Pierre Christin (scénario), 1984.
- L’État des stocks :
- L’État des stocks, 1986.
- Milleneufcentquatrevingtdixneuf, 1999.
- Nouvel état des stocks, 2006
- Cœurs sanglants et autres faits divers (dessin), avec Pierre Christin (scénario), coll. « Hors Texte », 1988.
- Mémoires d’autres temps : Histoires courtes 1971-1981 (scénario et dessin), 1996.
- Bleu Sang, 1994.
- La Tétralogie du Monstre (scénario et dessin), 2007 :
- Le Sommeil du Monstre, 1998.
- 32 Décembre, 2003.
- Rendez-vous à Paris, 2006.
- Quatre ?, 2007.
- Animal’z (scénario et dessin), 2009.
Films
- Bunker Palace Hôtel, 1989
- Tykho Moon, 1996
- Immortel (ad vitam), 2004
- Cinémonstre, 2006
- Animal’z, prévu pour 2011
Présentation (rapide) de quelques oeuvres
L’appel des étoiles/ Le bol maudit
Première BD réalisée par Bilal, je l’ai découvert sous sa forme ré-éditée c’est à dire « Le bol maudit ». A ce moment, le coup de crayon de Bilal n’est pas celui qu’on connait aujourd’hui, même si l’atmosphère lourde et les décors « abimés » sont déjà présents, ses dessins de personnages, à l’époque, sont un peu plus « conventionnels ».
Le scénario quant-à lui, magnifique, je ne vous le raconte pas sinon, c’est pas drôle, mais à la fin du bol maudit on reste scotché à son fauteuil ou canapé (en fonction de l’endroit ou vous lisez, ça fonctionne aussi sur les toilettes…), on y réfléchira à 2 fois avant d’acheter un bol à un vieillard aveugle…
La ville qui n’existait pas
Sur un scénario de Pierre Christin, cette histoire raconte la vie d’une petite ville secouée par la crise, qui rêvant d’un monde idéal, s’enferme dans une bulle de verre afin de vivre en autarcie rejetant le monde extérieur… Une critique de la société capitaliste et de l’utopie marxiste magnifiquement réalisée.
Le trait de crayon de Bilal commence à s’affirmer avec un style plus prononcé.
Partie de chasse
Avec Partie de Chasse, Bilal et Christin nous présente certains aspects de la révolution russe, Partie de chasse présente toute la froideur et les horreur du communisme du bloc de l’est, le scénario se passe 6 ans avant la chute du mur de Berlin. Sang, meurtre, crasse, décors délabrés, couleurs chargées d’émotions… Du grand art à la Bilal !
Cet album offre une analyse du régime de l’est et en prédit presque sa chute, étant sorti en 1983…
Mémoire d’outre-espace : Histoires courtes 1974-1977
Mémoire d’outre-espace est un recueil de nouvelles assez différentes des autres oeuvres de Bilal, pas dans le dessin, mais dans le ton, ces nouvelles sont réalisées avec un trait d’humour, et oui, tout n’est pas sombre et délabré chez Bilal, enfin si, car même si ces différentes nouvelles présentent un certain humour, les histoires qu’elles racontent n’en sont pas moins trashs…
Pour ceux qui on du mal avec l’univers sombre de Bilal mais qui aiment ses dessins et scénarios, cette BD est pour vous, parfaite pour des petits interludes lecture le week-end ou en vacances.
La trilogie Nikopol
La trilogie Nikopol comprend : La foire aux immortels, la femme piège et froid équateur.
C’est une des oeuvre majeures de Bilal, véritable chef d’oeuvre, la trilogie offre encore une fois des dessins et un scénario magnifique. le 1er tome est original sur le fond et la forme, mettant en scène un univers futuriste plein de réalisme, et comprenant de nombreux détails plongeant encore plus profondément le lecteur dans l’univers dramatico-futuriste de Bilal. Par exemple une fausse coupure de journal de Libération du 14 octobre 1993 est inséré dans les premiers tomes de la trilogie.
Pour vous mettre l’eau à la bouche (ou pour vous émoustiller les yeux et les neurones); petite présentation du début de la foire aux immortels :
Année 2023, la ville de Paris est divisée en deux parties :
- au centre les grands de ce monde et les dirigeants
- autour : celui des pauvres.
Une pyramide hébergeant les dieux égyptiens flotte au dessus de la ville et est en attente de carburant de la part des hommes, le gouverneur en lice pour renouveler son mandat souhaite négocier l’immortalité en échange du carburant…
Dans ce contexte, Alcide Nikopol (notre héros, si on peut dire…) est emprisonné en état d’hibernation cryogénique dans l’espace depuis 30 ans. son « vaisseau » cryogénique s’écrase sur Paris, dans le secteur des pauvres, et dans la chute, sa jambe étant gelée, se brise en 2. Nikopol rencontre alors Horus, un des dieux Égyptien, il répare la jambe de Nikopol (avec un bout de rail, si, si…) et prend possession de son corps afin de prendre la place du gouverneur, et ainsi mettre son plan à exécution pour se venger de ses compères de la pyramide…
La foire aux immortels a largement inspiré le film Immortel (ad vitam) et à également été adapté en jeux vidéo sur PC fin 2008 avec pour titre « Nikopol : La Foire aux Immortels ».
Concernant le film, étant fan de Bilal, je suis allé le voir au cinéma, utilisant bon nombre d’images de synthèses et d’effets spéciaux, l’univers de Bilal est bien retranscrit au niveau des décors, mais certains personnages étant réalisés de façon purement numérique (humain et non-humain dans le scénario, bas ça se voit à l’écran aussi), il y a un contraste flagrant entre les protagonistes réels et fictifs. Autre point, les cheveux de Jill, trop mal fait à mon goût…!
Sinon, on peut dire que c’est un film sympa à regarder surtout au niveau décors.
Le Teaser :
Concernant le jeux vidéo, je n’ai pas testé, mais il a également été travaillé au niveau du graphisme et de la bande son mais dispose apparemment d’une durée de vie vraiment très courte et d’un scénario assez linéaire.
Les albums de Bilal sont bien plus que de simples BDs, souvent remplies ou inspirées de fait historiques et analysant le genre humain sous toutes ses formes.
Très bon article, on voit que tu apprécies.
Je n’ai eu le plaisir que de lire une oeuvre de Bilal : La partie de chasse. Malheureusement j’étais un peu jeune pour en saisir tout la subtilité même si j’avais tout de même apprécié.
Il faudrait que je me replonge dans cet univers avec ma vision des choses actuelle probablement plus encline à sa compréhension.
Très bon article. Pour avoir lu quelques tomes (dont Nikopol bien sur) et vu le film, je dois avouer être fan de Bilal. Je l’oppose à un autre auteur que j’aime bien aussi, Loisel.
Comme Kulilin, je dis un grand bravo pour l’article de passionné !!
J’ai commandé Animal’ Z ainsi que Coeurs sanglants et autre fait divers… Animal’Z, je ne l’avais pas lu, hé ben, très sympa également, toujours aussi décalé, tout en étant empreint de nombreux détail + ou – réalistes, ce qui fait peur c’est surtout la vision apocalyptique qu’il fait de notre futur…
Un bien bel article/hommage au travail de Bilal.
Bien qu’amateur, j’apprécie beaucoup son travail. Je l’ai découvert à la sortie du Sommeil du Monstre, et j’ai de suite adoré. Je repense souvent à sa vision de l’Obscurantis Order et des Eradicateurs. Sa vision du fanatisme religieux/idéologique était prémonitoire …
Son style est inimitable, et même si ses histoires sont inégales dans le fond, la forme ne déçoit jamais. La trilogie Nikopol reste mon oeuvre BD préférée.
Oui, l’Obscurantis Order, magnifique ! Tout comme le jeux de mots avec le chef de l’ordre : « Warhole » référence à l’artiste (Andy Warhol) et traduction segmentée de war hole : trou de la guerre (référence au trou de mémoire de Nike j’imagine ou au multiples trous que peuvent faire les bombes…)
Les albums sont truffés de ce genre de détails/références qui en font tout leur charme.